« Lorsque les étudiants sont admis en médecine, encore faut-il qu’ils nous choisissent », laisse échapper la présidente de L’AMOLL, Lyne Couture, sans néanmoins être défaitiste. En effet, les nouveaux médecins sont encore nombreux à bouder la médecine familiale. De fait, dans la région de Lanaudière seulement, quelque 70 000 noms s’entassent sur la liste des patients orphelins.

Devant ce constat, la Dre Couture ne peut se résoudre à attendre un miracle. « On espère qu’il y en aura plus chez nous [des médecins de famille], mais pour cela, il faudra améliorer l’attractivité de la profession en réduisant la paperasse et en valorisant la profession. » Un message martelé par l’Association depuis plusieurs années. Le dédale administratif des formulaires, les horaires peu conciliants pour la vie familiale et les bâtons mis dans les roues des médecins en fin de pratique qui souhaiteraient réduire leur charge de travail contribueraient, à son sens, à entretenir la pénurie de médecins omnipraticiens.

Malgré tout, Dre Couture se réjouit de savoir qu’un plus grand nombre de médecins pourront bientôt être formés, tout ajout étant bienvenu en cette période où les médecins omnipraticiens, mais aussi spécialistes manquent à l’appel. « En médecine familiale, nous avons besoin d’une cinquantaine de ressources supplémentaires pour répondre aux besoins dans Lanaudière. Et on parle ici d’ajout net; ce qui n’inclut pas les remplacements. » Une cible qui pourrait être difficile à atteindre dans le contexte où toutes les régions crient famine, où les départs non comblés s’accumulent année après année et où l’attraction pour les spécialités accapare toujours une majorité de nouvelles recrues.

Pour une population en santé

Si la médecine familiale n’a pas la cote auprès des futurs médecins, Dre Couture, elle, en fait les éloges. « C’est une pratique merveilleuse où on crée une relation à long terme avec le patient. On traite l’être humain, pas seulement la pathologie. »

De plus, elle vante les bénéfices reconnus par la science d’avoir un solide réseau de médecins omnipraticiens sur la santé des communautés. Représentant la porte d’entrée du réseau vers des soins de santé spécialisés, les médecins de famille ont un rôle important à jouer dans le dépistage et la prise en charge de conditions plus sérieuses. « Je ne prêche pas pour ma paroisse en affirmant qu’une première ligne forte donne une population en meilleure santé. Les études l’ont démontré », rapporte la présidente de l’AMOLL.

Or, il faudra plus que ces constats ou même la passion pour raviver l’attrait envers cette pratique. Chaque année, les cibles gouvernementales peinent ou ne parviennent pas à être atteintes; des places disponibles en médecine de famille étant laissées vacantes, au profit des spécialités. « On devrait tous travailler ensemble pour le patient, tout d’abord en revoyant cette machine organisationnelle qui ajoute une lourdeur aux médecins de famille », conclut Lyne Couture.

En bref

En vertu de la Politique triennale des nouvelles inscriptions dans les programmes de formation doctorale en médecine et du recrutement de médecins sous permis restrictif, 74 médecins supplémentaires seront admis en 2023-2024, puis 165 de plus en 2024-2025 et 2025-2026. Pour l’année 2026-2027, qui apparaitra dans la prochaine politique triennale, Québec prévoit d’admettre 256 étudiants de plus qu’à l’habitude, lui permettant ainsi d’atteindre son objectif de former 660 médecins supplémentaires sur quatre ans. Révisée annuellement, la politique triennale pourrait connaître des ajustements afin d’atteindre la cible plus rapidement.

« En parallèle de la formation de nouveaux médecins, nous continuons à travailler sur les autres solutions pour améliorer l'accès à la première ligne, comme le guichet d'accès à la première ligne (GAP) et les groupes de médecine familiale (GMF) », a assuré le ministre de la Santé, Christian Dubé.

Enfin, la ministre de l’Enseignement supérieur et députée de Repentigny, Pascale Déry, a témoigné sa confiance envers les établissements d’enseignement qui sont à pied d’œuvre pour s’adapter aux besoins en matière de formation. « Nos établissements universitaires québécois sont mobilisés et font preuve d'agilité pour adapter leur offre de formation à cette réalité. Les facultés de médecine du Québec jouent un rôle de premier plan pour que les futurs médecins reçoivent une formation de qualité et adaptée aux besoins actuels et futurs du réseau de la santé.»